Par Lavina Banduah, Directrice exécutive de Transparency Sierra Leone et Marc Ona, Coordinateur de Publiez ce que vous payez Gabon.
Beaucoup des pays les plus pauvres de la planète de par le revenu par habitant sont en fait parmi les plus riches en termes de ressources naturelles. Le problème est que cette richesse ne profite pas aux citoyens qui sont, de droit, propriétaires de ces ressources. C’est pour cette raison que l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE) a été lancée en 2002: il s’agit d’obtenir des pays qu’ils acceptent de publier des informations sur l’argent qu’ils perçoivent pour l’exploitation des ressources naturelles afin que les citoyens sachent comment il est dépensé.
Certains pays honorent leurs engagements envers l’ITIE, d’autres non. Le mois dernier, le Conseil d’administration de l’ITIE a exclu le Gabon de la liste des pays mettant en œuvre l’ITIE parce que ce dernier n’avait pas respecté les obligations qui lui incombaient. Le Conseil d’administration de l’ITIE a également suspendu la Sierra Leone, afin de sanctionner les progrès insuffisants de ce pays dans la satisfaction des exigences principales de l’ITIE.
Qu’est-ce que cela signifie pour ces pays? En termes simples, le Gabon est de retour à la case départ et la Sierra Leone quant à elle, reçoit un avertissement sévère. Ces sanctions ne sont pas monétaires, mais elles peuvent signifier pour les investisseurs étrangers que ces deux pays ne respectent pas leurs engagements internationaux, et décourager ainsi l’afflux d’investissements. Pour la société civile, ces pressions morales peuvent s’avérer un outil puissant lorsqu’il s’agit de demander aux gouvernements de rendre des comptes.
Le Gabon et la Sierra Leone ont des histoires et des traditions politiques et culturelles très différentes. Le premier a connu une relative stabilité et une croissance économique certaine depuis son accession à l’indépendance en 1960. La seconde émerge d’une décennie de guerre civile brutale qui a provoqué des dizaines de milliers de morts. Pourtant, ces deux pays ont une chose en commun – une pauvreté endémique en dépit de ressources naturelles abondantes.
Le Gabon est le cinquième pays producteur de pétrole en Afrique subsaharienne, l’or noir ayant généré plus de 60 pour cent des recettes publiques dans le pays en 2010. Le Gabon produit également du manganèse et du minerai de de fer, mais ces richesses ne profitent pas aux plus pauvres.
Depuis son adhésion à l’ITIE en 2005, le Gabon n’a pas réussi à améliorer le dialogue et la transparence sur l’utilisation de la richesse pétrolière du pays. Le pays est encore perçu comme étant très corrompu. En 2012, il figurait à la 102e place sur 174 pays de l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International (TI).
La Sierra Leone peut se targuer d’avoir l’un des taux de croissance économique les plus élevés au monde et d’attirer un nombre croissant d’investisseurs. Le pays a fait le choix d’adhérer à l’ITIE pour améliorer la transparence dans son secteur extractif en plein essor. Malgré la manne minière, les conditions de vie de la population sont parmi les plus précaires d’Afrique et un enfant sierra-léonais sur cinq meurt avant l’âge de cinq ans.
Selon le dernier rapport ITIE de la Sierra Leone, chaque citoyen aurait reçu en moyenne la somme dérisoire d’un dollar américain des revenus tirés de l’extraction pétrolière et minière. Beaucoup de Sierra-Léonais déplorent l’opacité des conventions minières et se demandent ce qu’ils ont à y gagner.
Pour les experts de la société civile au Gabon et en Sierra Leone, la décision du Conseil est loin d’être une surprise. Tout progrès dans ces deux pays exige une volonté politique réelle et de la persévérance dans les efforts.
En Sierra Leone, la section nationale de Transparency International plaide pour la divulgation publique d’informations sur toutes les données relatives aux recettes générées par l’extraction des ressources, y compris les contributions aux chefferies locales. Transparency Sierra Leone mène également une campagne de sensibilisation sur l’ITIE et l’impact de la corruption sur les droits des communautés.
Publiez ce que vous payez Gabon mobilise la société civile locale pour demander qu’il y ait davantage de transparence sur les recettes pétrolières du Gabon. Cela pourrait contribuer à renforcer la confiance des citoyens et celle des investisseurs dans le gouvernement et réduire la corruption. D’autres pays riches en ressources naturelles à l’instar du Ghana et du Niger montrent que la société civile a son mot à dire pour promouvoir des réformes d’envergure.
Certains affirment que les «sanctions» de l’ITIE à l’encontre des pays dissuadent ceux qui œuvrent pour la transparence et profitent à ceux qui résistent aux réformes. En tant que représentants de la société civile, nous croyons fermement que la transparence réside dans l’engagement et l’action. À présent, il est temps pour les gouvernements gabonais et sierra-léonais de passer à l’action, non pas seulement pour se conformer à l’ITIE, mais pour le bien de tous leurs citoyens.