Après plusieurs années d’attente, finalement Haïti est doté d’une loi globale de lutte contre la corruption. Le 11 mars dernier, la chambre basse du Parlement a adopté le projet de loi rédigé en 2007.
Pour un pays qui, pendant des années, a stagné au plus bas niveau de l’échelle de l’Indice de Perceptions de la Corruption de Transparency International, c’est une nouvelle réjouissante. Et la Loi est bonne d’autant que La Fondation Héritage pour Haïti (LFHH), section de Transparency International en Haïti, a été en mesure d’apporter sa contribution dès le début.
La nouvelle loi pénalise certaines pratiques devenues si courantes en Haïti qu’on croirait qu’elles ne seraient jamais punies : on peut citer les conflits d’intérêts dans l’attribution des contrats, le népotisme, le partage d’informations internes sur la passation des marchés et le harcèlement sexuel à l’endroit de ceux qui sollicitent un emploi, particulièrement les femmes.
En 2004 LFHH s’est inspiré du Book Source de Transparency International et a publié un lexique en français et en créole, en l’adaptant à notre contexte local. Ce livret a donné une définition assez compréhensible de la corruption et a démontré que la corruption n’est pas seulement le fait de donner un pot de vin.
Ce livret a été largement diffusé au sein du gouvernement et aux membres du Parlement – et en vertu de sa formulation et son articulation – il a contribué à l’élaboration de la loi cadre de lutte contre la corruption, que nous avons aujourd’hui.
Il a fallu plusieurs longues années de plaidoyer qui a été cruellement et tragiquement interrompu en 2010 à cause du tremblement de terre dévastateur qui a détruit tant de vies ainsi que le bâtiment qui logeait les bureaux du Parlement. En 2011 lorsque les membres du Parlement se sont réunis de nouveau dans des bâtiments provisoires, la priorité a été accordée à la question de La Loi d’Urgence. Néanmoins, ce n’est qu’en 2013 que la loi sur lutte contre la corruption a été votée par le Sénat.
Par la suite, la chambre basse a emboîté le pas tout juste à quelques jours de la visite prochaine de la délégation de l’Organisation des Etats Américains, ce 8 avril. Le but de cette visite étant de vérifier l’application de la Convention Interaméricaine contre la Corruption – une évaluation qui pourrait être défavorable si la loi n’avait pas été votée.
LFHH fera également un exposé à la délégation de l’OAS tout en soulignant que la nouvelle loi est la bienvenue et qu’à LFHH, on est particulièrement heureux qu’elle définit largement les crimes de corruption.
On fera comprendre à la délégation de l’OAS, que cette loi n’est qu’une première étape et que trois autres ébauches de projets de loi proposées par LFHH au Parlement sont en attente. Ce sont des éléments essentiels d’une stratégie efficace de lutte contre la corruption.
Il est impératif que le pays soit doté d’une loi portant sur l’Accès à l’Information, d’une législation solide sur la Protection des Dénonciateurs ainsi qu’une nouvelle loi sur le Financement des Partis Politiques.
LFHH dispose d’un centre de plaidoyer et de conseil juridique ou ALAC ainsi connu dans le mouvement TI. On a pu constater aussi que de tous les ALAC Haïti reçoit moins de plaintes sur le téléphone rouge. La raison principale est l’absence de législation pour protéger les dénonciateurs, vu que les haïtiens craignent les représailles s’ils sont identifiés.
Malheureusement, la loi relative au fonctionnement des partis politiques n’est pas aussi forte que nous l’aurions souhaitée. Trop laxiste en ce qui concerne la nécessité de transparence des partis politiques quant au financement de leurs campagnes. Le texte proposé par LFHH au Parlement pour renforcer la transparence des financements ne figurait pas dans la loi adoptée. LFHH souhaiterait une révision de la loi actuelle.
Tout compte fait, bien des étapes ont été franchis et nous nous réjouissons de nos progrès. Notre nouvelle loi de lutte contre la corruption est bonne et il revient maintenant au gouvernement de la mettre en œuvre. Notre prochain défi sera de veiller à ce qu’elle soit appliquée.