Le Rwanda est perçu comme un des pays les moins corrompus d’Afrique. En vue de cette amélioration considérable, il est intéressant de regarder comment notre Section Nationale dans le pays contribue à ce changement positif. Cet article présente une approche au niveau local qui responsabilise les citoyens, et exerce de la pression sur les décideurs politiques.
Souvent, les victimes d’un acte de corruption ont de la difficulté à franchir le pas et de le signaler, surtout lorsque l’infrastructure faible, le manque de transports publics et l’accès difficile à Internet signifient un voyage long pour faire cette signalisation.
Les Centres d’Assistance Juridique et d’Action Citoyenne essayent de faciliter la signalisation d’un acte de corruption pour les citoyens, en créant des centres régionaux et des centres mobiles. Ces centres soutiennent les citoyens des zones rurales et des régions isolées, leur font connaitre leurs droits, et leur permettent de franchir le pas et de dénoncer la corruption. Les centres régionaux offrent du soutien facilement accessible et confidentiel, de l’assistance juridique, et un suivi sur les questions de corruption qui touchent la communauté, dans un environnement sûr. Cette approche au niveau local a réussi à prendre pied en Afrique de l’Est, plus précisément au Rwanda, où la Section Nationale vient d’ouvrir un cinquième centre régional. Nous avons contacté la Coordinatrice de Programme Nationale, Mme Francine Umurungi, responsable de ces centres, pour lui poser quelques questions sur cette approche intéressante de freiner la corruption au niveau local.
Q. Pourquoi avez-vous décidé d’augmenter l’offre avec ces centres régionaux ?
Même si le Rwanda est petit, un seul centre à Kigali ne permettait pas à tout le monde en besoin d’assistance et de soutien de venir à notre rencontre.
Et même si les citoyens des zones rurales et régions isolées avaient l’opportunité de joindre le centre principal en utilisant la ligne téléphonique gratuite, Transparency Rwanda (TR) payait pour ces appels, et dans le plus souvent des cas, devait quand même demander aux plaignants de se rendre au centre pour mieux pouvoir les aider.
Nous avions des gens de régions isolées qui se rendaient au centre à Kigali, à qui on a dû demander de revenir le lendemain avec les documents nécessaires, mais cela a souvent suffit pour les empêcher de revenir. ». Aujourd’hui, nos Centres d’Assistance Juridique et d’Action Citoyenne régionaux sont capables de s’occuper de ces plaintes d’une façon beaucoup plus efficace.
Des rencontres en personne sont importantes pour mieux comprendre la totalité du problème. Souvent les personnes sont incapables de se rendre à Kigali, n’ayant pas assez d’argent pour un ticket de bus. Même si peu de recherche a été faite pour le moment, l’expérience montre que les citoyens viennent plus facilement aux centres lorsqu’ils se trouvent plus près. En étant sur le terrain, TR peut mieux comprendre et mieux aider les citoyens. Ainsi nous avons décidé de nous installer dans tous les districts.
Q. Est-ce que le centre est uniquement pour les personnes souhaitant se plaindre d’un acte de corruption ?
Les centres sont ouverts à tout le monde, et c’est dans un second temps que la question de la corruption est identifiée.
Au centre régional de Musanze, la majorité des plaintes se rapportent au droit de propriété ou des décisions juridiques relatives à la prestation de services. Les pots-de-vin sont difficilement prouvés et la corruption est difficilement identifiable. C’est pourquoi nous avons décidée d’aider tout le monde. D’autres centres n’ont pas autant de visites ou requêtes, mais ils en ont quand même 3 à 4 par jour.
L’autre avantage de la présence régionale se voit lorsque nous organisons des événements de sensibilisation de la communauté. Cela est plus facile maintenant que nous avons des personnes sur place, et que nous avons signé des Protocoles d’Entente avec les dirigeants locaux. Grâce à ces Protocoles, nous sommes informés par les dirigeants locaux, invités à agir localement, et notre équipe peut être présente sans un long voyage.
Les centres régionaux sont au courant des calendriers municipaux, rendant l’organisation des événements de sensibilisation plus facile.
Q. Quelles sont les questions et plaintes typiques qui sont portées à votre attention dans les centres ?
Un exemple d’un problème récurrent au niveau local est la mise en œuvre des décisions juridiques. Les fonctionnaires au niveau décentralisé sont responsables pour mettre en œuvre les jugements, mais dans la plupart des cas, ils ne le font pas dans la limite légale de temps. Ce n’est pas seulement la corruption qui en es responsable, mais aussi les échappatoires qui existent dans la loi et dans les procédures. Cela devient un problème important dans la communauté, et TR a donc décidé de défendre les droits des victimes. Maintenant que nous avons une présence locale, nous pouvons être beaucoup plus efficace dans notre soutien aux citoyens, et en même temps faire pression sur les institutions locales pour réformer et améliorer leurs procédures administratives. Cela va réduire le nombre de pratiques corrompues et améliorer la gestion.
Q. Qu’est-ce qui rend vos centres si capables d’aider les gens ?
Cela revient à un nombre d’aspects différents. Notre équipe est professionnelle. Les centres sont non seulement proches des citoyens, rendant l’action plus facile, mais il y a surtout une grande volonté politique au niveau supérieur pour résoudre les plaintes des citoyens. Même s’il n’est pas facile de mesurer le succès des centres, comme ils sont nouveaux, il est quand même évident que le nombre de clients des régions qui ont maintenant des centres a augmenté de manière importante. Il est évident que le nombre de personnes ayant reçu de l’aide dans nos centres a aussi augmenté de façon proportionnelle. Pour évaluer notre progrès, nous avons l’habitude de rencontrer nos partenaires locaux après six mois d’opération pour faire le bilan. Ce sont des rencontres informatives, qui permettent à nos partenaires régionaux d’identifier les enjeux et les difficultés, et de trouver des solutions possibles ensemble. Mais avant tout, des décisions sont prises par les institutions concernées pour résoudre le problème.
Aujourd’hui le succès de cette expansion régionale pionnière du Rwanda est répliquée par de nombreuses Sections Nationales en Afrique et au Moyen Orient : TI Kenya opère trois centres, et au Sénégal et au Zimbabwe les Sections ont mis en place des Services mobiles d’assistance juridique dans des zones urbaines et rurales. Au Maroc, la Section a lancé son premier centre régional dans la ville de Fez, et au Liban, la Section est en train de lever des fonds pour ouvrir deux centres régionaux. Le plus impressionnant est la Section de la Cisjordanie en Palestine qui a réussi à ouvrir un centre satellite dans la Bande de Gaza, malgré les conditions très difficiles dans la région.
Dans l’ensemble, avec plus de 25 centres dans 17 pays, les Sections Nationales de la région Afrique et Moyen Orient ont rapidement réalisé l’avantage de la décentralisation de leurs activités et assurant ainsi que les services et le soutien fourni par TI soient le plus proche du citoyen possible. Il est clair que TR a défini une tendance pour les années à venir.
Photos: Francine Umurungi (TI Rwanda) et Donatien Niyonsaba (ABUCO, TI contact national Burundi)
Article traduit par Kathrin Schraft.